Par-dessus tout, ce contexte difficile où l’insécurité mène la danse tambour battant, touche directement les différentes couches de la société. Chacune de ces catégories perçoit la réalité d’une certaine manière, et ne l’absorbe pas toujours de la même façon.

 Ici, nous tenons compte des jeunes, une catégorie majoritaire de la population active. Malgré leur exposition à toute sorte d’aléas, ils ont leur propre lecture de la situation et ont des vécus qui diffèrent les uns des autres.

De ce fait, l’équipe de VorgNews est partie à la rencontre de certains d'entre eux.

Pour beaucoup d’entre eux, la situation est due à une insouciance des autorités politiques.Wilio*[1],étudiant en Linguistique à l’Université d’Etat d’Haiti nous dit, « C’est une crise qui dérange,  c’est vrai. Mais aussi qui peut être résolue si les autorités le veulent. Parce qu’ils sont conscients, comme nous, du problème. Car ils vivent dans le même milieu que nous. »

Alex* étudiant également, nous confie de son côté,« J’ai vécu bon nombre de mauvais moments quand j’étais aux Gonaïves, surtout sous le gouvernement du président Jean Bertrand Aristide, j’étais petit. Puis, j’ai vécu aussi cette période où on a eu le ‘’grangou klowòks''. Cependant, ces troubles sociopolitiques que je suis en train de vivre sont pires qu'avant. Sans oublier la famine, la cherté de la vie, le kidnapping, les massacres. »

 L’étudiante Tawi*, voit en tout cela, une négligence collective « Je pense qu’il y a beaucoup de choses auxqelles nous devrions accorder de l’importance, mais nous ne l’avions pas fait. Et ces troubles sont le résultat de ce laisser-aller. »

 De plus, ce sont des difficultés qui les affectent personnellement. Wilio nous affirme « La situation me rend peu lucide quelques fois. Elle m’empêche de rester concentré autour de mes objectifs, car il est difficile de penser pour un espace où l’on ne se sent pas à l’aise. »

 Pour Alex« J’ai passé ces deux dernières années à suivre les cours tout en étant stressé. Dans la rue, lorsque les voitures ralentissent auprès de moi, je pense à courir. Parfois je sors pour aller assister aux cours avec découragement. J’ai failli abandonner mes études, lorsque j’ai vu que certains de mes amis ont failli perdre la vie lors d’une fusillade à Pòs Machan. »

 Une situation qui agit aussi sur leur niveau de concentration nécéssaire à  leurs études. C’est le cas de Sophie*, étudiante en science juridique, « Parfois, je me sens déboussolée. Quand je réussis à me mettre au lit, beaucoup d'idées me passent par la tête, je suis triste, je pleure, je ne me sens pas bien. Et, c'est comme ça. »

 Malgré tout cela, ils essayent de surmonter les difficultés. Et, c'est le cas de Love* étudiante en Linguistique, qui dit s’être obligée de se concentrer un peu plus sur elle-même, « J'essaye de vivre une vie chimérique, de faire abstraction de ce qui se passe à l'extérieur pour me concentrer sur moi-même, sur ce que je veux vraiment. Et, je travaille aussi mes capacités de résilience. »

 Sophie admet, « En ce qui concerne le mental, je fais des efforts. Je remercie Dieu et j'ai des paroles positives que je répète. Je me suis dit que je suis une personne extraordinaire, la situation est difficile mais cela va changer et j'ai beaucoup de personnes que j'aurai à défendre leur droit et qui comptent sur moi. Donc, je dois faire des efforts. »

 Comme nous venons de le voir, la situation actuelle affecte toutes les couches de la société, et les jeunes en sont grandement touchés. Ils sont anxieux, s'inquiètent pour leur avenir dans le pays. Certains essayent de s'adapter mais l'espoir de meilleures conditions de vie semble encore loin. 

[1]Les prénoms ont été changés (*)

Jérôme Wendy Norestyl